Mai 30, 2010

196 Jahre Mikhail Bakunin, 108 Jahre Hem Day



Sowohl der Geburtstag eines der Gründerväter als auch der Geburtstag des belgischen Individualisten und radikalen Pazifisten Marcel Dieu alias Hem Day (=MD, get it?). Da Hem Day sich als Historiker mit Bakunin beschäftigt hat (Bakounine et sa confession, suivi de La Légende de la dictature chez Bakounine, 1935, sowie Michel Bakounine : aspects de son œuvre, 1968; der erste Teil einer Bakunin-Bibliographie erschien 1966), liegt es nahe beiden mit einem Text von Hem Day über Bakunin zu gedenken:
"La Confession de Bakounine", nach der Ausgabe 22 der Zeitschrift La Rue, 1976 (Quelle):

Au début de l’année 1932, était publiée, pour la première fois en français, la « Confession » de Bakounine [1], écrite en 1857. Cet acte de « contrition » avait déjà suscité des insinuations plus ou moins malveillantes à l’égard de l’homme qui prit une part active à la propagande sociale et révolutionnaire du siècle dernier.
La « Confession » de Bakounine, traduite par Paulette Brupbacher, rehaussée d’une introduction excellente de Fritz Brupbacher, reflète une largesse d’esprit autant qu’une indépendance de pensée, qu’on aimerait rencontrer plus souvent au cours des vicissitudes quotidiennes.
Max Nettlau, le savant historien de l’idée anarchiste, y a joint des annotations qui aideront le lecteur à saisir ce qui peut sembler parfois troublant à retrouver sous la signature de Bakounine, et son autorité morale couvre ainsi l’intégrité du texte.
« Bakounine a une personnalité captivante, de brillantes facultés intellectuelles jointes à une rare énergie, mais aussi à une passion fanatique. »
Cette pensée termine la page qui est consacrée dès 1866, dans le Grand Dictionnaire encyclopédique de Brockaus, à celui qui, non seulement fut un penseur étonnant, mais surtout un homme d’action d’une valeur remarquable.
« S’il a beaucoup péché, écrit Bielinski, s’il a commis bien des erreurs, il porte en lui une force qui efface tous ses défauts personnels, c’est le principe de l’éternel mouvement qui gît au fond de son âme. »
Au lendemain de la révolution russe, les documents les plus curieux furent livrés au public. Avec ces archives secrètes que laissèrent les services de la police tsariste, on a pu reconstituer bien des événements restés confus dans l’histoire des luttes révolutionnaires.
C’est la Librairie d’État soviétique qui, en 1921, publia sous la direction de V. Polonski, qui assumait la rédaction des archives historiques à Moscou, une édition russe du texte intégral de la « Confession », comprenant quatre-vingt-douze grandes pages et une lettre à Alexandre II, datée de février 1857, qui elle, en comportait trois.
On peut imaginer les rumeurs qu’elle suscita dès sa parution. Véra Figner semblait s’indigner du ton de ces pages, qu’elle trouvait dégradantes au premier abord, tandis que Radek entrevoyait cette contrition de Bakounine sous un autre angle ; pour lui, Bakounine prisonnier était en droit d’adopter le style le plus conforme à l’objectif qu’il visait, c’est-à-dire sortir de son tombeau.
La mémoire de Bakounine ne tarda point à être rudement malmenée par tous ceux qui ont grand besoin, pour servir leur cause, de salir leurs adversaires, même au prix des plus basses calomnies.
Pour ce qui est de la « Confession » de Bakounine, il semble avéré qu’un malentendu se soit dressé, du fait d’un article publié dans le « Forum » de Berlin, article qui portait la signature de Victor Serge (ex-Kilbatchiche).
Or, comme l’écrivait Boris Souvarine à ce sujet : « Par suite de quelles circonstances cet article fut-il traduit, déformé, dénaturé et reproduit en Allemagne ? »
« Victor Serge l’ignore et nous aussi. Certes, je ne dissimulerai pas la pénible surprise que j’ai ressentie en apprenant que le « Forum » d’Herzog en avait publié un texte tripatouillé. Je ne veux pas m’attarder aux altérations successives que l’article a pu subir dans diverses traductions, retraductions et reproductions en Suisse et en Italie. Le fait essentiel est que la pensée et l’expression de Victor Serge ont été faussées malgré lui [2]. »
Ce fut là cependant l’origine de nouvelles diffamations que des adversaires prétextèrent pour ouvrir de vieilles polémiques qui jadis mirent aux prises Marx et Bakounine.
Dans une longue lettre, datée du 8 décembre 1860, d’Irkoutsk, adressée à l’écrivain Herzen, lequel dirigeait à Londres le journal « La Cloche » Bakounine parle de ce document. Selon son habitude prolifique, après tant d’autres choses, il raconte son arrestation et son évasion faisant allusion à cette « Confession ». Cette lettre ne contenait pas moins de 49 pages imprimées de texte russe. Qu’y disait-il ?
Deux mois après ma relégation dans cette prison, je reçus la visite du comte Orloff, qui se présenta au nom de l’Empereur et qui me dit : « Sa Majesté m’envoie vers vous, avec cet ordre : Dis-lui de m’écrire, comme le ferait le fils spirituel qui aurait à se confesser à son père spirituel. » Voulez-vous écrire ? Je devins songeur pendant quelques instants, je réfléchis que dans un tribunal public, devant un jury, j’aurais le devoir de rester dans mon rôle jusqu’au bout, mais qu’enfermé comme je l’étais entre quatre murs, me trouvant au pouvoir d’un ours, il me serait permis d’adoucir la forme sans me faire de scrupule de cela. Je demandai donc un mois de temps, j’acceptai. Et en effet, j’écrivis une sorte de confession, quelque chose dans le genre « Poésie et Vérités » (Dichtwng und Warheit) de Goethe. D’ailleurs, tous mes actes furent parfaitement connus ; j’avais agi si ouvertement que je n’avais plus de secrets à révéler à ce sujet. Après avoir, dans cette lettre, remercié Sa Majesté de sa condescendance, j’ajoutai :
« Sire, vous désirez avoir ma confession, soit, je vous la ferai. Mais vous ne devez pas ignorer que le pénitent n’est pas obligé de confesser les péchés d’autrui. Après le naufrage que je viens de faire, je n’ai de sauf que l’honneur, mon seul trésor, et la conscience de n’avoir jamais trahi personne qui ait voulu se fier à moi, et c’est pourquoi je ne vous donnerai pas de noms. » Après cela, à quelques exceptions près, je racontai à Nicolas ma vie à l’étranger, et lui fit part de mes sentiments et de mes impressions ; sans ménager les points où il pût puiser des enseignements pour sa politique intérieure et extérieure. Cette confession, calculée sur la précision de ma position sans issue, et d’un autre côté, pour le tempérament énergique de Nicolas, fut écrite en termes très hardis, et c’est pour cette raison que ma lettre lui plut. En effet, je lui sais gré de ne pas m’avoir questionné après, sur aucun autre sujet [3].
D’autre part, dans une notice biographique parue dans le tome II de l’édition française des Œuvres de Michel Bakounine, James Guillaume faisait allusion à cette confession, en rappelant la lettre à Herzen, dont il fut question ci-dessus.
Il me semble alors, sinon impossible, du moins incompréhensible que, comme l’écrivait Maurice Paréjanine, « en France notamment, les anarchistes sans plus ample information crièrent à la falsification ou plutôt à la fabrication par les bolcheviks d’un monstrueux document apocryphe [4] ».
Si cela fut, ces anarchistes se montrèrent peu renseignés, puisque ces deux sources d’informations remontent l’une à 1896, l’autre à 1907 ; mais là n’est pas la question.
La publication de la « Confession » de Bakounine fut sans doute dans les annales révolutionnaires d’une importance incontestable. Et l’on ne pouvait, l’ayant découverte, la remiser dans les cartons d’un bureau quelconque, parmi des archives secrètes, qu’une prochaine révolution aurait mise au jour. Existante, la « Confession » appartenait au monde révolutionnaire, tout comme son auteur s’identifiait au mouvement social de la seconde moitié du siècle dernier et, par ce fait, il était d’un impérieux devoir pour l’histoire de la rendre publique même si sa publication pouvait apporter des désillusions profondes chez ses admirateurs.
Les idées relèvent de la critique rationnelle, de la critique et de leur application pratique et des résultats qu’elles donnent, de l’étude des conditions objectives de leur naissance et de leur développement. Mais les actions et les attitudes individuelles de ceux qui les ont professées peuvent tout au plus fournir des éléments d’appréciation d’ailleurs secondaires dans cette dernière étude [5].
Quelle que soit la valeur de ce plaidoyer avant la lettre, il n’en est pas moins vrai qu’une « autorité morale » aidera puissamment la diffusion d’un idéal, et les méthodes employées durant ces dernières années de lutte révolutionnaire, par certains partis, confirment indéniablement la puissance de la valeur individuelle dans la propagation d’une idée.
En général, les hommes ne se haussent presque jamais à la hauteur de l’idéal qu’ils professent [6].
Il serait absurde d’utiliser comme argument pour critiquer une idée ou une doctrine les faits et gestes d’un homme qui en fut le représentant attitré ou officiel. Les faiblesses ou les fautes, les torts ou les erreurs voire même les crimes ne justifient point la réprobation d’un ensemble d’idées.
Nous nous trouvons ici devant un document qui dépasse peut-être, par quelques côtés subtils, notre pouvoir d’investigation. Cette « Confession » nous jette en face d’un dilemme curieux et extraordinaire qui, tout comme sa vie que nous connaissons, nous révélait un être extrêmement complexe. En l’analysant aussi judicieusement que possible, nous ne l’aborderons point avec cette admiration béate du suiveur hypnotisé par un maître, mais en hommes avertis, en esprits détachés des à-côtés puérils, et avec l’objectivité et la relativité des êtres et des choses, avec ce recul du temps qui nous autorise un jugement plus sain, moins entaché de coterie ou de vénération.
Ainsi, l’étude de ce document nous conduit à la recherche de vérités qui nous permettent de dépouiller l’homme que fut Bakounine, non tel que nous l’eussions entrevu dans nos rêves imaginaires, mais tel qu’il se présente devant le constat de nos investigations, afin d’en tirer ainsi l’enseignement qu’elle dégage.
Sa « Confession » nous éclaire sur certains points de sa vie restés obscurs et qui, sans doute, n’auraient jamais été éclaircis sans cette publication. La personnalité de ce révolutionnaire se révèle sous un jour nouveau qui le complète.
Il faut donc enlever à ce document, quelle que soit sa forme, tout caractère sentimental. C’est le plaidoyer d’un accusé qui ne désire pas aggraver sa situation, qui est déjà assez mauvaise, et qui ne fut nullement améliorée par ce plaidoyer, mais resta aussi cruelle et intolérable jusqu’au delà de la mort de Nicolas Ier. Ce résultat négatif était du reste presque à prévoir car, malgré la profusion des expressions sur ces crises, ses folies, son repentir, Bakounine en somme se moque du tsar, et lui jette une quantité de récits sur des faits, plans, idées périmées et insaisissables, et s’abstient de la moindre indication que le tsar aurait pu considérer à son point de vue comme utile à la cause de la monarchie.
Quoi qu’on en dise, ou quoi qu’on écrive, Bakounine restera dans l’Histoire, non comme un de ces individualistes bohèmes qui ont fait - comme se plaît à l’écrire Emmanuel Berl - perdre avec leur jet de salive et leurs gestes désordonnés un temps précieux dont il faut des années de souffrances et d’oppression pour regagner le terrain, mais ce seul nom reste un symbole, celui d’une indomptable énergie révolutionnaire, d’une soif inextinguible de justice et d’action, d’une puissante aspiration à la liberté, à l’idéal de liberté.
L’on sait que, condamné à mort le 14 janvier 1850, par les autorités saxonnes, Bakounine vit sa peine commuée en prison perpétuelle. Livré ensuite à l’Autriche, il est condamné à la pendaison, le 15 mai de l’année suivante, peine également commuée en prison perpétuelle. Son séjour dans les prisons autrichiennes fut de courte durée. Il était bientôt livré à la police tsariste. De mai 1851 à mars 1854, il resta enfermé dans la forteresse Pierre-et-Paul, puis, jusqu’en 1857, à Schlüsselburg. C’est là qu’il reçut un jour la visite du comte Orlov qui, au nom de son maître le tsar vint le solliciter pour écrire comme un fils spirituel écrirait à son père spirituel. Bakounine, après un mois de réflexion, rédigea sa confession dont le texte resta ignoré jusqu’à la Révolution russe de 1917, et, sauf le résumé que Bakounine nous avait donné dans sa lettre à Herzen, on ignorait tout de son ensemble.
Brupbacher, après une assez longue étude du texte de la « Confession », en arrive à tirer des conclusions qui semblent vouloir justifier l’auteur, car, pour lui, les sentiments ne sont pas toutes nos facultés, « nous disposons aussi de raison », c’est pourquoi il écrit : « Dans sa confession au tsar, Bakounine se repent de toutes ses idées et de tous ses actes révolutionnaires, et il demande pardon. Il y a eu des gens pour prendre au sérieux ce repentir de Bakounine ; ils n’ont pas réfléchi que l’usage de cette fiction constituait pour lui la condition « sine qua non » d’obtenir du tsar Nicolas Ier ce que le prisonnier désirait, c’est-à-dire son élargissement. Que ce repentir ait duré juste le temps nécessaire à favoriser cette délivrance, c’est ce que toute la vie ultérieure de Bakounine suffit à prouver. »
Durant son emprisonnement, au moment même où l’on pouvait supposer que Bakounine humiliait sa fierté révolutionnaire, il réussit à faire parvenir à sa sœur Tatiana une lettre qui montre que ses opinions révolutionnaires n’ont en rien été sacrifiées.
... Vous comprendrez, je l’espère, que tout homme qui se respecte un peu doit préférer la mort la plus cruelle à cette lente et déshonorante agonie : vous ne savez pas combien l’expérience est tenace dans le cœur de l’homme. Laquelle ? me demanderez-vous. Celle de pouvoir recommencer ce qui m’a déjà amené ici ; seulement avec plus de (illisible) et plus de prévoyance peut-être, car la prison a eu au moins ceci de bon pour moi, qu’elle m’a donné le loisir et l’habitude de réfléchir ; elle a pour ainsi dire modifié mon esprit ; mais elle n’a rien changé à mes anciens sentiments ; elle les a rendus au contraire plus ardents, plus absolus que jamais, et désormais tout ce qui me reste de vie se résume en un seul mot : « La Liberté ».
Ce n’est donc point en l’humilité qu’il faille chercher l’explication rationnelle de ce qu’on s’imagine être une défaillance, mais bien plus dans la feinte et le mensonge auxquels Bakounine tentait de plier son talent et son tempérament, en vue de recouvrer sa liberté.
Parlant de la dépression et des moments de faiblesse qui auraient assailli Bakounine durant une période de ses détentions, James Guillaume rapporte les souvenirs qu’il recueillit de la bouche même de cet indomptable énergie révolutionnaire chez qui la soif de la justice et de l’action était inextinguible.
L’atroce régime de prison avait complètement délabré mon estomac ; vers la fin, nous a-t-il raconté, il avait pris en dégoût tous les aliments, et en était arrivé à se nourrir exclusivement de choux aigres hachés (chtchi). Mais si le corps s’affaiblissait, l’esprit restait inflexible. Il craignait une chose par dessus tout : c’était de se trouver un jour amené, par l’action débilitante de la prison, à l’état d’abêtissement dont Silvio Pellico offre un type si connu ; il craignait de cesser de haïr, de sentir s’éteindre dans son cœur le sentiment de révolte qui le soutenait, et d’en arriver à pardonner à ses bourreaux et à se résigner à son sort. Mais cette crainte était superflue ; son énergie ne l’abandonna pas un seul jour, et il sortit de son cachot le même homme qu’il y était entré [7].
Ceci se rapporte à sa captivité de Schlüsselburg (1854-57), c’est-à-dire une période antérieure de trois ans au moins à la rédaction de sa « Confession ». Sans être définitivement échappé des griffes de ses tortionnaires, Bakounine s’était repris... Mais laissons-le lui-même narrer ce séjour à Schlüsselburg :
Quelle chose terrible cette relégation à perpétuité ! Traîner une existence sans but, sans espoir, sans aucun intérêt dans la vie. Et se dire chaque jour : demain, je serai encore plus abruti que je ne le suis aujourd’hui ! Souffrir des semaines entières d’un horrible mal de dents, qui revient sans cesse ! Et cette insomnie qui chasse le sommeil nuit et jour, et quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, même pendant les courtes heures de rêve, se trouver sous l’empire d’une fébrile agitation qui vous remue le cœur et le foie, avec le sentiment fixe que vous n’êtes qu’un esclave, qu’un cadavre... [8].
On comprend combien était alors impérieux en lui le besoin de reconquérir la liberté et que, pour ce faire, il se soit déterminé à jouer la comédie.
« Condamner le mensonge ! » écrivait B. Gianffret, parlant de la « Confession », « Évidemment, un bon bourgeois qui jamais dans sa vie n’a risqué plus qu’un rhume devant les panneaux des affiches électorales, n’y manquera pas. Mais qu’il n’oublie pas d’abord que toute morale n’a toute sa signification qu’à l’intérieur d’un groupe défini. Et de quel groupe commun fait donc partie le révolutionnaire emprisonné ? Bakounine et le tsar de toutes les Russies ? Bakounine a des devoirs envers les révolutionnaires et les peuples, il ne saurait en avoir envers ses ennemis. Les ruses de guerre (hélas ! peut-être) ont toujours trouvé des laudateurs ! [9] »
Il est en effet agréable de voir comment Bakounine plaisante et se paie parfois la tête du tsar, quand il lui parle de certains révolutionnaires réputés. Tout de suite, notre emmuré s’empresse d’ajouter : « Je ne vous dirais pas tout cela si je ne savais qu’il est réfugié en Amérique. » Ainsi, alors que le tsar croit saisir des indications utiles, celles-ci s’éclipsent devant lui.
Mais c’est surtout ce que l’être mis en cause fera après sa libération qui doit retenir notre attention, pour servir de base au critérium que nous porterons sur une telle confession. Et, dans ce domaine, Bakounine peut affronter sans peur toutes les critiques amies ou ennemies.
Après sa sortie de prison, toute la vie de Bakounine a démenti l’esprit voulu de sa confession et a confirmé ainsi celui de la lettre écrite à sa sœur. Il a montré que son idéal révolutionnaire était resté intact, qu’il s’était fortifié et que loin d’être un pécheur repentant, comme il tentait de le faire croire au tsar, il avait gardé un sentiment farouche de la lutte à livrer aux hommes et aux forces qui asservissent l’humanité.
« Cela vaut la peine que tu le lises, c’est très curieux et instructif », telle est la notice au crayon qui figure sur l’exemplaire copié pour Nicolas Ier, de la « Confession ». Cette invitation, maintenant que nous possédons le texte et que des traductions allemandes et françaises en ont été faites, nous pouvons la renouveler à tous les anarchistes.
Comment d’ailleurs résister à ce désir qui nous incite à parcourir fiévreusement ces lignes, qui soulèvent et soulèveront encore tant de querelles ? Comment hésiter devant cet impérieux devoir qui nous sollicite ? Ouvrons ces quelques 250 pages pour les analyser sans parti pris, en tirer l’enseignement que doit nous donner un tel document psychologique et historique.
Nous savons comment il arriva à Bakounine d’être au pouvoir du tsar et comment il fut sollicité, par un émissaire du Petit Père, d’écrire sa confession. Un jour, l’enfermé de Schlüsselburg adressa à S.M. Impériale avec cette dédicace ironique : « Très Gracieuse Majesté », un mémoire de sa vie d’agitateur et des pensées qui le dévoraient.
« Je vous supplie, Sire, de ne pas exiger de moi la confession des péchés d’autrui. En se confessant, personne ne dévoile les péchés commis par les autres, mais les siens propres. »
Cela provoqua chez le tsar une réaction subite, si bien qu’en marge du document tsariste, on pouvait lire, écrite de la main de Nicolas lui-même cette annotation : « Par cela, il détruit déjà toute ma confiance ; s’il sent toute la gravité de ses péchés, seule une confession complète et non conditionnelle peut être considérée comme une vraie confession. »
En lisant sa « Confession » on constate que Bakounine s’efforce, usant d’artifices hasardeux parfois, de ne rien livrer qui puisse autoriser la police à se servir de ses renseignements. Seuls des noms de personnages connus, dont certains même sont morts, s’échapperont de sa plume, car il préfère être un criminel méritant les châtiments les plus durs, plutôt que d’être un lâche.
Ainsi apparaît Bakounine dont les péchés et les crimes ne furent jamais la justification de sentiments bas et égoïstes, mais bien souvent déterminés par « un besoin très intense et jamais satisfait de connaissances, de vie et d’action. »
Nous ne le suivrons point à travers sa confession, alors qu’il nous raconte sa première jeunesse et l’époque de ses études, quoiqu’il soit intéressant de relever son affirmation relative à ces études métaphysiques, dans lesquelles il se plongeait jour et nuit, presque jusqu’à la folie : « Après avoir étudié de plus près les problèmes métaphysiques, je n’ai pas tardé à me convaincre de la nullité et de la vanité de toute métaphysique ; je cherchais l’action et elle n’est qu’inactivité absolue. » Un peu avant, n’avait-il pas écrit qu’il priait Dieu de lui suggérer des paroles simples ? Voilà qui aidera à comprendre le double jeu que Bakounine s’efforçait, avec un art subtil, de jouer auprès du tsar, afin de lui donner le change et de lui faire croire à son repentir.
Parle-t-il du poète Herwegh, c’est pour lui dire qu’il fut un homme pur, réellement noble ; de son ami Reichel, le pianiste compositeur, c’est pour le louer comme un véritable et unique ami ; et, dans la longue énumération de ses connaissances françaises, il parle de l’utopiste Proudhon comme de l’un des Français les plus remarquables de son temps.
Lorsque dans l’emballement de sa confession il est amené devant le fait de devoir citer des noms russes qu’il pourrait compromettre, il renouvelle sa supplication : « Ne me demandez pas leurs noms », et il essaie, par un plaidoyer aussi éloquent qu’ironique, de démontrer qu’il n’a pas eu la moindre relation politique avec les émigrés, s’efforçant ainsi, tout en se disculpant peut-être, de disculper des compatriotes, préférant se traiter d’original, envers qui on commit la faute de venir en aide.
Il semble bien que l’homme probe et sincère envers son idéal guidait avec une volonté curieuse sa façon d’écrire, car de temps à autre, il laisse entrevoir un peu de son âme noble et de son affliction, au moment où le bruit s’était répandu qu’il était un agent provocateur du gouvernement russe. L’on conçoit aisément que le repentir de Bakounine était surtout de façade et que, tout en écrivant sa confession, il s’offrait le luxe de cette liberté d’écrire à peu de chose près ce qu’il pensait, tout en le présentant autrement à cet empereur autocrate.
Voulant rappeler au tsar qu’en écrivant sa confession, il se trouve devant son père spirituel, Bakounine feint d’oublier qu’il est devant le grand et terrible tsar, qui fait trembler des millions d’êtres, en présence de qui personne n’ose ni énoncer, ni concevoir une opinion opposée à la sienne. Ainsi libéré, non sans une ruse délicate, il expose en long et en large ses idées sur la révolution en Russie, pourquoi il la veut, pourquoi il veut remplacer l’ordre social existant, par quel moyen il y arrivera et, en fin de compte, proclamer la liberté comme facteur d’élévation et d’ennoblissement de l’être humain. Il dira à ce tsar tant redouté des vérités cruelles sur l’organisme social et politique, dont Nicolas est le chef omnipotent.
En des pages virulentes, il dépeint les maux qui rongent la Russie, le manque de liberté, l’absence de vérité, les souffrances du peuple et des paysans qui endurent des vexations éhontées. Il donne sur la bureaucratie un jugement net et précis, d’une vérité profonde, après quoi il s’excuse du ridicule et de l’insolence qu’il témoigne en parlant de choses que le tsar connaît bien mieux que lui !
L’on sent ici toute l’ironie qui anime l’auteur de la « Confession », car personne n’ignore que le tsar avait bien autre chose à faire qu’à se tenir au courant de ce qui se passait entre le peuple et ses serviteurs. Mais, écrit-il, « il ne faut pas sortir les ordures de l’isba », et tout cela pour en arriver très adroitement à parler au tsar de la révolution russe, qu’il va défendre tout en clamant avec une énergie farouche l’idéal qu’il n’a cessé d’animer de tout son être. « L’amour de la liberté et une haine invincible pour toute oppression, haine encore plus intense lorsque cette oppression se rapportait à autrui et non à soi-même. Chercher mon bonheur dans le bonheur d’autrui, ma dignité personnelle dans la dignité de tous ceux qui m’entouraient ; être libre, dans la liberté des autres, voilà tout mon credo, l’aspiration de toute ma vie. »
Cette profession de foi, on se doit de la retenir ; elle se vérifie dès qu’il lui sera possible de reprendre la lutte, après sa fuite de Sibérie.
« Par mégarde, termine Bakounine, il se peut que j’aie oublié quelque chose, mais en dehors de cette confession, tout ce qui a été colporté sur mon compte est faux, erroné, calomnies », et il demande qu’on le délivre de l’horrible réclusion où « l’intelligence et la mémoire se transforment en un supplice insupportable ».
Mais le criminel repentant ne fut pas tout de suite proposé pour la déportation par ce plus gracieux souverain ! Bakounine, malade, se décida à tenter auprès d’Alexandre II, successeur de Nicolas décédé, une dernière chance de libération. Il y réussit et obtint sa déportation contre quittance au gouverneur général d’Omsk.
On sait que dès cet instant, il mit tout en œuvre pour recouvrer sa liberté entière, et il y parvint. Plus tard, il tombait dans les bras de son vieil ami Herzen qui, exilé à Londres, dirigeait le journal « La Cloche ».
Dès lors, toute la vie de Bakounine démentira formellement ce qu’il avait feint d’être. La « Confession » reste un document extraordinaire dans les annales de l’action révolutionnaire, troublant, complexe, mais puissant. C’est le cri déchirant d’un être qui se meurt d’inaction, d’un être qui ressent son inutilité de vivre, mais d’un être également qui, malgré ses forces brisées, miné par la maladie contractée en prison, aspire à respirer une dernière fois en liberté, jeter un coup d’œil sur le ciel clair, sur la fraîcheur des champs, tout en s’efforçant malgré tout de taire momentanément le désir le plus violent de son être : celui d’être libre pour lutter pour la liberté des autres. Celui qui accepte de feindre la supplication, la résignation, pour pouvoir être utile aux autres, à ceux qui n’osent, étant libres, lever l’étendard de la révolte, Bakounine, de son souffle puissant d’animateur, tentera jusqu’au dernier jour de sa vie d’entraîner les peuples dans des luttes libératrices, vers leur émancipation intégrale.
H. D.

[1] Michel Bakounine, « Confession (1857) ». Paris - Editions Rieder. 1932.
[2] « Bulletin communiste », 22 décembre 1921 ; N° 56 : 2e année.
[3] Correspondance avec Herzen et Ogarev.
[4] « Monde » N° 113, du 2 août 1930.
[5] A propos de la « Confession » de Bakounine, V. Serge « Bulletin communiste », N° 1 ; 3e année, 5 janvier 1922.
[6] Idem.
[7] « Bulletin de la Fédération jurassienne », supplément 9 juillet 1876.
[8] Lettres à Herzen et à Ogarov.
[9] « La Révolution prolétarienne »

Mai 29, 2010

Both kinds of music (2): Zugunglück als Millionen-Seller

Am 27. September 1903 entgleiste die "Fast Mail", Zug 97 der Southern Railway, nahe Danville, Virginia, auf der Strecke von Monroe in Virginia nach Spencer in North Carolina. 21 Jahre später landete Vernon Dalhart mit einer Ballade über diesen Unfall einen Hit: "The Wreck of the old 97", ein Song, der allgemein als erster Country-Titel gilt, der sich über eine Million mal verkaufte.


Ähnlich wie bei "Sally Goodin'" haben nahezu alle bekannten Country- und Folkgrößen Versionen des Songs eingespielt, darunter z.B. Hank Snow, Woody Guthrie, Johnny Cash oder Pete Seeger. Hier eine rezente Version von Randy Thompson (2008):


1959 persiflierten Dave Van Ronk und Richard Ellington den Song in ihrem Buch The Bosses' Songbook. Songs to stifle the flames of discontent als Ballad of a Party Folk Singer:

Well, they gave him his orders
Up at Party headquarters
Saying: "Pete, you're way behind times.
This is not '38; this is 1947,
And there's been a change in that old Party line".

Well, it's a long long haul
From "Greensleeves" to "Freiheit",
And the distance is more than long,
But that wonderful outfit they call the People's Artists
Is on hand with those good old Peoples' Songs.

Their material is corny,
But their motives are the purest,
And their spirits will never be broke,
As they go right on with their great noble crusade,
Of teaching folksongs to the folk.

Mai 27, 2010

Das Luxemburger "Feuilleton" und die Krise

Im Debattenteil des heutigen Jeudi macht David Broman eine gar schröckliche Entdeckung. wenn Banken Kredite vergeben, schaffen sie Geld aus dem Nichts. Unglaublich, aber wahr! Dass auch Staaten auch noch selber solche auf fiktivem Geld in Anspruch nehmen, vergleicht Broman mit der Polizei, die bei Falschmünzern Falschgeld leihen würde, um damit die Geldfälscherei zu bekämpfen.

Dies sei um so schlimmer meint der Demokrat Broman, als dass das Geld die Grundlage der Demokratie darstelle, und die armen Regierungen ohne Geld völlig machtlos seien:
"L'argent est le moyen par excellence dont disposent les gouvernements pour mettre en oeuvre les politiques (...) choisies [par la majorité]. Dans ce sens l'argent est un élément nécessaire, fondamental même, pour le bon fonctionnement de nos démocraties. Sans argent, nos gouvernements sont sans moyens, et sans moyens, nos démocraties sont nulles et non avenues."

Broman schlägt also vor, das Geld einer "demokratischen" Transsubstantion zu unterziehen, indem die gegenwärtigen Aufgaben der Banken an die Volksverrätervertreter, die bekanntlich im Unterschied zum "homo oeconomicus" der Vulgärökonomie tatsächlich immer rational handeln, allwissend und unbestechlich sind (wie es in einer Demokratie so üblich ist), übertragen werden. Die "Fiktion" des bankengeschaffenen Geldes würde dementsprechend durch die souveräne Ausübung staatlicher Gewalt aufgehoben (überhaupt scheint Broman gedruckte Banknoten als "realeres" Geld anzusehen als bloss als Zahl existierende Geldwerte). Der Staat würde selbst keine Anleihen mehr aufnehmen, sondern als primärer Geldleiher, als monopolistischer Universalgläubiger fungieren. Dementsprechend würde der Staat keine Zinsen mehr zahlen, sondern "sogar" selbst Zinsen einnehmen. Die Zinsknechtschaft des Finanzkapitals wäre beseitigt (Broman glaubt wahrscheinlich damit das Rad neu erfunden zu haben, dabei kann man ähnliches in den Zwanzigern und Dreißigern bei Gottfried Feder und Konsorten nachlesen).

Als wichtigstes Hindernis sieht der ahistorisch-utopistisch argumentierende Feuilletonist ideologisch bzw. religiös motivierte Vorbehalte gegenüber der Allmacht des Staates, wie z.B.der Glauben, dass das Anwerfen der Notenpresse zwangsläufig zu einer Geldentwertung führen würde usw. usf.

Lassen wir die bromanschen Phantasien hinter uns, und kehren wir auf den Boden der Tatsachen zurück. Hier muss ich Alfred Steinherr, "Ehren-Chefvolkswirt der Europäischen Investitionsbank", loben, der in der gestrigen Ausgabe des Luxemburger Wort versucht die Leserschaft des Bistumsblatts, die durch die Tatsache verwirrt sein mag, dass ihr Premierminister den "Spekulanten", die noch gestern als "Investoren" umworben wurden, nun mit "Folterinstrumenten" zu Leibe rücken will, dazu zu bringen, die Welt mit nüchternen Augen anzusehen. Drei Auszüge:
1) "Was ist eigentlich ein Spekulant? Genau genommen ist jeder Akteur, der das Risiko auf sich nimmt einen aleatorischen Ertrag zu erzielen ein Spekulant. Jeder Unternehmer ist in diesem Sinne ein Spekulant. Und jede Investition in ein Unternehmen ist spekulativ, motiviert durch die Erwartung, dass der Wert der Aktien in Zukunft steigen wird. Ein Finanzmarkt ohne Spekulanten ist daher unmöglich."
2) "Haben wir über unsere Verhältnisse gelebt? Länder wie Deutschland und Luxemburg haben seit 50 Jahren Leistungsbilanzüberschüsse. Mit anderen Worten, sie investieren und konsumieren weniger als sie produzieren und dieser Überschuss, genannt Leistungsbilanzüberschuss wird jährlich im Ausland investiert. Unsere Bürger haben also mehr gespart als im Inland investiert werden konnte. Was für einen Sinn hat dann die Aussage: 'wir haben über unsere Verhältnisse gelebt'? Keinen."
3) "Schulden sind nicht an und für sich schlecht. Unsere Generation hat im Vergleich zu unseren Eltern und Großeltern nicht nur mehr Staatsschulden pro Kopf sondern auch eine deutlich bessere Verkehrs- und Kulturinfrastruktur, bessere Schulen, eine Universität, ein besseres Gesundheitssystem und soziale Sicherheit. Die entscheidende Frage ist daher was mit den Schulden gemacht wird. Die Aussage Staatsschulden sind schlecht impliziert, dass wir unserem politischen System nicht zutrauen, dass es klug mit dem geborgten Geld umgehen kann. Wollen wir dann immer noch das Primat der Politik über den Markt?"
(ich unterstreiche)

Mai 25, 2010

207 Jahre Ralph Waldo Emerson

Vom französischen zum US-amerikanischen Individualismus: Ralph Waldo Emerson, der am 25. Mai 1803 in Boston, Massachusetts geboren wurde, ebensowenig wie (eher noch weniger als) Zo d'Axa im engeren Sinn zum Anarchismus zu zählen (trotz Bolton Halls Emerson the Anarchist) ist, jedoch wie Thoreau, Whitman usw. sonder Zweifel grossen Einfluss auf die libertäre Bewegung in den Vereinigten Staaten hatte.

Der folgende Text enthält Auszüge aus "Napoleon; or, the Man of the World", dem 4. Kapitel des Buches Representative Men (1850). Ob Marx bei seiner Unterscheidung von toter und lebendiger Arbeit an diesen Text anknüpfte? Das Ende des Textes ist für einen als "Individualisten" klassierten Schriftsteller jedenfalls recht überraschend, handelt es sich doch wesentlich um eine Befürwortung des Kommunismus.

"Napoleon; or, the Man of the World.
Among the eminent persons of the nineteenth century, Bonaparte is far the best known and the most powerful; and owes his predominance to the fidelity with which he expresses the tone of thought and belief, the aims of the masses of active and cultivated men. It is Swedenborg's theory that every organ is made up of homogeneous particles; or as it is sometimes expressed, every whole is made of similars; that is, the lungs are composed of infinitely small lungs; the liver, of infinitely small livers; the kidney, of little kidneys, etc. Following this analogy, if any man is found to carry with him the power and affections of vast numbers, if Napoleon is France, if Napoleon is Europe, it is because the people whom he sways are little Napoleons.

In our society there is a standing antagonism between the conservative and the democratic classes; between those who have made their fortunes, and the young and the poor who have fortunes to make; between the interests of dead labor,- that is, the labor of hands long ago still in the grave, which labor is now entombed in money stocks, or in land and buildings owned by idle capitalists,- and the interests of living labor, which seeks to possess itself of land and buildings and money stocks. The first class is timid, selfish, illiberal, hating innovation, and continually losing numbers by death. The second class is selfish also, encroaching, bold, self-relying, always outnumbering the other and recruiting its numbers every hour by births. It desires to keep open every avenue to the competition of all, and to multiply avenues: the class of business men in America, in England, in France and throughout Europe; the class of industry and skill. Napoleon is its representative. The instinct of active, brave, able men, throughout the middle class everywhere, has pointed out Napoleon as the incarnate Democrat. He had their virtues and their vices; above all, he had their spirit or aim. That tendency is material, pointing at a sensual success and employing the richest and most various means to that end; conversant with mechanical powers, highly intellectual, widely and accurately learned and skilful, but subordinating all intellectual and spiritual forces into means to a material success. To be the rich man, is the end. "God has granted," says the Koran, "to every people a prophet in its own tongue." Paris and London and New York, the spirit of commerce, of money and material power, were also to have their prophet; and Bonaparte was qualified and sent.

Every one of the million readers of anecdotes or memoirs or lives of Napoleon, delights in the page, because he studies in it his own history. Napoleon is thoroughly modern, and, at the highest point of his fortunes, has the very spirit of the newspapers. He is no saint,- to use his own word, "no capuchin," and he is no hero, in the high sense. The man in the street finds in him the qualities and powers of other men in the street. He finds him, like himself, by birth a citizen, who, by very intelligible merits, arrived at such a commanding position that he could indulge all those tastes which the common man possesses but is obliged to conceal and deny: good society, good books, fast travelling, dress, dinners, servants without number, personal weight, the execution of his ideas, the standing in the attitude of a benefactor to all persons about him, the refined enjoyments of pictures, statues, music, palaces and conventional honors,- precisely what is agreeable to the heart of every man in the nineteenth century, this powerful man possessed.

It is true that a man of Napoleon's truth of adaptation to the mind of the masses around him, becomes not merely representative but actually a monopolizer and usurper of other minds. (...) Indeed, a man of Napoleon's stamp almost ceases to have a private speech and opinion. He is so largely receptive, and is so placed, that he comes to be a bureau for all the intelligence, wit and power of the age and country. He gains the battle; he makes the code; he makes the system of weights and measures; he levels the Alps; he builds the road. All distinguished engineers, savans, statists, report to him: so likewise do all good heads in every kind: he adopts the best measures, sets his stamp on them, and not these alone, but on every happy and memorable expression. Every sentence spoken by Napoleon and every line of his writing, deserves reading, as it is the sense of France.

Bonaparte was the idol of common men because he had in transcendent degree the qualities and powers of common men. There is a certain satisfaction in coming down to the lowest ground of politics, for we get rid of cant and hypocrisy. Bonaparte wrought, in common with that great class he represented, for power and wealth,- but Bonaparte, specially, without any scruple as to the means. All the sentiments which embarrass men's pursuit of these objects, he set aside. The sentiments were for women and children. (...)

History is full, down to this day, of the imbecility of kings and governors. They are a class of persons much to be pitied, for they know not what they should do. The weavers strike for bread, and the king and his ministers, knowing not what to do, meet them with bayonets. But Napoleon understood his business. Here was a man who in each moment and emergency knew what to do next. It is an immense comfort and refreshment to the spirits, not only of kings, but of citizens. Few men have any next; they live from hand to mouth, without plan, and are ever at the end of their line, and after each action wait for an impulse from abroad. Napoleon had been the first man of the world, if his ends had been purely public. As he is, he inspires confidence and vigor by the extraordinary unity of his action. He is firm, sure, self-denying, self-postponing, sacrificing every thing,- money, troops, generals, and his own safety also, to his aim; not misled, like common adventurers, by the splendor of his own means. "Incidents ought not to govern policy," he said, "but policy, incidents." "To be hurried away by every event is to have no political system at all." His victories were only so many doors, and he never for a moment lost sight of his way onward, in the dazzle and uproar of the present circumstance. He knew what to do, and he flew to his mark. He would shorten a straight line to come at his object. Horrible anecdotes may no doubt be collected from his history, of the price at which he bought his successes; but he must not therefore be set down as cruel, but only as one who knew no impediment to his will; not bloodthirsty, not cruel,- but woe to what thing or person stood in his way! Not bloodthirsty, but not sparing of blood,- and pitiless. He saw only the object: the obstacle must give way. "Sire, General Clarke can not combine with General Junot, for the dreadful fire of the Austrian battery."- "Let him carry the battery."- "Sire, every regiment that approaches the heavy artillery is sacrificed: Sire, what orders?"- "Forward, forward!" Seruzier, a colonel of artillery, gives, in his "Military Memoirs," the following sketch of a scene after the battle of Austerlitz.- "At the moment in which the Russian army was making its retreat, painfully, but in good order, on the ice of the lake, the Emperor Napoleon came riding at full speed toward the artillery. 'You are losing time,' he cried; 'fire upon those masses; they must be engulfed: fire upon the ice!' The order remained unexecuted for ten minutes. In vain several officers and myself were placed on the slope of a hill to produce the effect: their balls and mine rolled upon the ice without breaking it up. Seeing that, I tried a simple method of elevating light howitzers. The almost perpendicular fall of the heavy projectiles produced the desired effect. My method was immediately followed by the adjoining batteries, and in less than no time we buried" some "thousands of Russians and Austrians under the waters of the lake."
(...)

His grand weapon, namely the millions whom he directed, he owed to the representative character which clothed him. He interests us as he stands for France and for Europe; and he exists as captain and king only as far as the Revolution, or the interest of the industrious masses, found an organ and a leader in him. In the social interests, he knew the meaning and value of labor, and threw himself naturally on that side. I like an incident mentioned by one of his biographers at St. Helena. "When walking with Mrs. Balcombe, some servants, carrying heavy boxes, passed by on the road, and Mrs. Balcombe desired them, in rather an angry tone, to keep back. Napoleon interfered, saying 'Respect the burden, Madam.'" In the time of the empire he directed attention to the improvement and embellishment of the markets of the capital. "The market-place," he said, "is the Louvre of the common people." The principal works that have survived him are his magnificent roads. He filled the troops with his spirit, and a sort of freedom and companionship grew up between him and them, which the forms of his court never permitted between the officers and himself. They performed, under his eye, that which no others could do. The best document of his relation to his troops is the order of the day on the morning of the battle of Austerlitz, in which Napoleon promises the troops that he will keep his person out of reach of fire. This declaration, which is the reverse of that ordinarily made by generals and sovereigns on the eve of a battle, sufficiently explains the devotion of the army to their leader.

But though there is in particulars this identity between Napoleon and the mass of the people, his real strength lay in their conviction that he was their representative in his genius and aims, not only when he courted, but when he controlled, and even when he decimated them by his conscriptions. He knew, as well as any Jacobin in France, how to philosophize on liberty and equality; and when allusion was made to the precious blood of centuries, which was spilled by the killing of the Duc d'Enghien, he suggested, "Neither is my blood ditchwater." The people felt that no longer the throne was occupied and the land sucked of its nourishment, by a small class of legitimates, secluded from all community with the children of the soil, and holding the ideas and superstitions of a long-forgotten state of society. Instead of that vampyre, a man of themselves held, in the Tuileries, knowledge and ideas like their own, opening of course to them and their children all places of power and trust. The day of sleepy, selfish policy, ever narrowing the means and opportunities of young men, was ended, and a day of expansion and demand was come. A market for all the powers and productions of man was opened; brilliant prizes glittered in the eyes of youth and talent. The old, iron-bound, feudal France was changed into a young Ohio or New York; and those who smarted under the immediate rigors of the new monarch, pardoned them as the necessary severities of the military system which had driven out the oppressor. And even when the majority of the people had begun to ask whether they had really gained any thing under the exhausting levies of men and money of the new master, the whole talent of the country, in every rank and kindred, took his part and defended him as its natural patron. In 1814, when advised to rely on the higher classes, Napoleon said to those around him, "Gentlemen, in the situation in which I stand, my only nobility is the rabble of the Faubourgs."
(...)

I call Napoleon the agent or attorney of the middle class of modern society; of the throng who fill the markets, shops, counting-houses, manufactories, ships, of the modern world, aiming to be rich. He was the agitator, the destroyer of prescription, the internal improver, the liberal, the radical, the inventor of means, the opener of doors and markets, the subverter of monopoly and abuse. Of course the rich and aristocratic did not like him. England, the centre of capital, and Rome and Austria, centres of tradition and genealogy, opposed him. The consternation of the dull and conservative classes, the terror of the foolish old men and old women of the Roman conclave, who in their despair took hold of any thing, and would cling to red-hot iron,- the vain attempts of statists to amuse and deceive him, of the emperor of Austria to bribe him; and the instinct of the young, ardent and active men every where, which pointed him out as the giant of the middle class, make his history bright and commanding. He had the virtues of the masses of his constituents: he had also their vices. I am sorry that the brilliant picture has its reverse. But that is the fatal quality which we discover in our pursuit of wealth, that it is treacherous, and is bought by the breaking or weakening of the sentiments; and it is inevitable that we should find the same fact in the history of this champion, who proposed to himself simply a brilliant career, without any stipulation or scruple concerning the means.

Bonaparte was singularly destitute of generous sentiments. The highest-placed individual in the most cultivated age and population of the world,- he has not the merit of common truth and honesty. He is unjust to his generals; egotistic and monopolizing; meanly stealing the credit of their great actions from Kellermann, from Bernadotte; intriguing to involve his faithful Junot in hopeless bankruptcy, in order to drive him to a distance from Paris, because the familiarity of his manners offends the new pride of his throne. He is a boundless liar. The official paper, his "Moniteur," and all his bulletins, are proverbs for saying what he wished to be believed; and worse,- he sat, in his premature old age, in his lonely island, coldly falsifying facts and dates and characters, and giving to history a theatrical eclat. Like all Frenchmen he has a passion for stage effect. Every action that breathes of generosity is poisoned by this calculation. His star, his love of glory, his doctrine of the immortality of the soul, are all French. "I must dazzle and astonish. If I were to give the liberty of the press, my power could not last three days." To make a great noise is his favorite design. "A great reputation is a great noise: the more there is made, the farther off it is heard. Laws, institutions, monuments, nations, all fall; but the noise continues, and resounds in after ages." His doctrine of immortality is simply fame. His theory of influence is not flattering. "There are two levers for moving men,- interest and fear. Love is a silly infatuation, depend upon it. Friendship is but a name. I love nobody. I do not even love my brothers: perhaps Joseph a little, from habit, and because he is my elder; and Duroc, I love him too; but why?- because his character pleases me: he is stern and resolute, and I believe the fellow never shed a tear. For my part I know very well that I have no true friends. As long as I continue to be what I am, I may have as many pretended friends as I please. Leave sensibility to women; but men should be firm in heart and purpose, or they should have nothing to do with war and government." He was thoroughly unscrupulous. He would steal, slander, assassinate, drown and poison, as his interest dictated. He had no generosity, but mere vulgar hatred; he was intensely selfish; he was perfidious; he cheated at cards; he was a prodigious gossip, and opened letters, and delighted in his infamous police, and rubbed his hands with joy when he had intercepted some morsel of intelligence concerning the men and women about him, boasting that "he knew every thing"; and interfered with the cutting the dresses of the women; and listened after the hurrahs and the compliments of the street, incognito. His manners were coarse. He treated women with low familiarity. He had the habit of pulling their ears and pinching their cheeks when he was in good humor, and of pulling the ears and whiskers of men, and of striking and horse-play with them, to his last days. It does not appear that he listened at key-holes, or at least that he was caught at it. In short, when you have penetrated through all the circles of power and splendor, you were not dealing with a gentleman, at last; but with an impostor and a rogue; and he fully deserves the epithet of Jupiter Scapin, or a sort of Scamp Jupiter.

In describing the two parties into which modern society divides itself,- the democrat and the conservative,- I said, Bonaparte represents the democrat, or the party of men of business, against the stationary or conservative party. I omitted then to say, what is material to the statement, namely that these two parties differ only as young and old. The democrat is a young conservative; the conservative is an old democrat. The aristocrat is the democrat ripe and gone to seed;- because both parties stand on the one ground of the supreme value of property, which one endeavors to get, and the other to keep. Bonaparte may be said to represent the whole history of this party, its youth and its age; yes, and with poetic justice its fate, in his own. The counter-revolution, the counter-party, still waits for its organ and representative, in a lover and a man of truly public and universal aims.

Here was an experiment, under the most favorable conditions, of the powers of intellect without conscience. Never was such a leader so endowed and so weaponed; never leader found such aids and followers. And what was the result of this vast talent and power, of these immense armies, burned cities, squandered treasures, immolated millions of men, of this demoralized Europe? It came to no result. All passed away like the smoke of his artillery, and left no trace. He left France smaller, poorer, feebler, than he found it; and the whole contest for freedom was to be begun again. The attempt was in principle suicidal. France served him with life and limb and estate, as long as it could identify its interest with him; but when men saw that after victory was another war; after the destruction of armies, new conscriptions; and they who had toiled so desperately were never nearer to the reward,- they could not spend what they had earned, nor repose on their down-beds, nor strut in their chateaux,- they deserted him. Men found that his absorbing egotism was deadly to all other men. It resembled the torpedo, which inflicts a succession of shocks on any one who takes hold of it, producing spasms which contract the muscles of the hand, so that the man can not open his fingers; and the animal inflicts new and more violent shocks, until he paralyzes and kills his victim. So this exorbitant egotist narrowed, impoverished and absorbed the power and existence of those who served him; and the universal cry of France and of Europe in 1814 was, "Enough of him"; "Assez de Bonaparte."

It was not Bonaparte's fault. He did all that in him lay to live and thrive without moral principle. It was the nature of things, the eternal law of man and of the world which baulked and ruined him; and the result, in a million experiments, will be the same. Every experiment, by multitudes or by individuals, that has a sensual and selfish aim, will fail. The pacific Fourier will be as inefficient as the pernicious Napoleon. As long as our civilization is essentially one of property, of fences, of exclusiveness, it will be mocked by delusions. Our riches will leave us sick; there will be bitterness in our laughter, and our wine will burn our mouth. Only that good profits which we can taste with all doors open, and which serves all men."

Mai 24, 2010

146 Jahre Zo d'Axa

Nach Han Ryner, E. Armand und Ixigrec widmen wir uns heute einem weiteren Vertreter des französischen Individualismus, dem ewigen Außenseiter Zo d'Axa (Pseudonym für Alphonse Gallaud de la Pérouse), Herausgeber der libertären Blätter L'En-Dehors und La Feuille (der sich allerdings selber davor verwahrt hat, als Anarchist bezeichnet zu werden). 

Als Textbeispiel habe ich den Abschluss des autobiographischen Buches De Mazas à Jérusalem (1895) ausgewählt:

"DANS LA RUE
Devrai-je dire : de Mazas à Jérusalem — et retour (via Marseille, Sainte-Pélagie et le Dépôt) ? Je puis le penser. A l'occasion de l'enterrement Carnot, voici que je retrouve au Dépôt la poignée de compagnons qu'on arrête à toutes les fêtes, le premier mai y compris.
Ces fêtes-là généralement se terminent, pour eux, à Mazas. Cependant presque aussitôt le directeur me fait appeler :
Je suis libre.
Les policiers imbéciles m'ont appréhendé trop tôt. Ils ont outrepassé leur consigne qui devait être de me laisser au moins quelques heures de liberté — le temps moral de commettre un délit. Ce que c'est que d'être pressé ! La gaffe me donne quelques journées de répit. Et je m'en vais sans plus d'entraves...
Autour de la Conciergerie, les petites rues et les quais parlent bas et c'est comme une transition avant la clameur des boulevards. Les dix-huit mois volés à ma vie sont déjà le passé. Le présent seul importe. 
Qu'à sa première sortie un convalescent soit troublé; j'ai secoué la léthargie de la prison plus vite parce que ce fut brutalement. Et maintenant les passants que je frôle, le bruit des voitures, l'air vif ne m'étourdissent point. Mon pas est resté familier au pavé parisien.
Où me mène-t'il ?
Rejoindre les anarchistes ?
Ici, je suis forcé de conclure : je ne suis pas anarchiste.
En cour d'assises, à l'instruction comme aux séances, j'ai dédaigné cette explication. Mes paroles de rage ou de pitié étaient qualifiées anarchistes — je n'épiloguais pas sous la menace.
A présent il me plaira de préciser ma pensée première, ma volonté de toujours. Elle ne doit pas sombrer dans les à-peu-près. Pas plus groupé dans l'anarchie qu'embrigadé dans les socialismes. Etre l'homme affranchi, l'isolé chercheur d'au-delà ; mais non fasciné par un rêve. Avoir la fierté de s'affirmer, hors les écoles et les sectes : Endehors.

Les nouvellistes facétieux ont commenté d'une manière plutôt superficielle en s'écriant : 'Mais c'est l'En dedans!' quand on nous jetait en prison. Et voilà que sur les grisailles de tous les doutes ceci apparaît en l'éclat d'une couleur vigoureuse : La Volonté de Vivre.
Et vivre hors les lois asservissantes, hors les règles étroites, hors même les théories idéalement formulées pour les âges à venir.
Vivre sans croire au paradis divin et sans trop espérer le paradis terrestre.
Vivre pour l'heure présente, hors le mirage des sociétés futures ; vivre et palper cette existence dans le plaisir hautain de la bataille sociale.
C'est plus qu'un état d'esprit : c'est une manière d'être — et tout de suite.
Assez longtemps on a fait cheminer les hommes en leur montrant la conquête du ciel. Nous ne voulons même plus attendre d'avoir conquis toute la terre.
Chacun, marchons pour notre joie.
Et s'il reste des gens sur la route, s'il est des êtres que rien n'éveille, s'il se trouve des esclaves nés, des peuples indécrassablement avilis, tant pis pour eux ! Comprendre c'est être à l'avantgarde. Et la joie est d'agir.
Nous n'avons point le temps de marquer le pas : la vie est brève.
Individuellement nous courrons aux assauts qui nous appellent. On a parlé de dilettantisme. 
Il n'est pas gratuit, celui-là, pas platonique : nous payons...
Et nous recommençons."

Mai 22, 2010

Both kinds of music (1): Die Anfänge

Nach Glam, Prog Rock und Disco widmet sich dieser Blog in den kommenden Wochen der Geschichte der Country- wie der Westernmusik, mit Ausschweifungen auf den größeren Rahmen des amerikanischen Folk im Allgemeinen. Ich werde versuchen jedes Mal ein wenig den historischen Hintergrund zu erläutern (oder zumindest Links mit weiteren Informationen angeben).

Zum Auftakt der neuen Reihe die wahrscheinlich erste kommerziell vertriebene "Country"-Platte überhaupt: Sally Gooden in der Version von Eck Robertson (1922):


 Besser bekannt als Sally Goodin' wurde dieses alte Tanzlied, dessen Ursprünge bis in die 1860er zurückgehen (Infos über die Geschichte des Stücks findet man hier) über Generationen hinweg immer wieder neu eingespielt, zum Beispiel auch von Hank Williams und Woody Guthrie. Hier noch eine Version von 1971 mit gut zwanzig Fiddlern aus dem Film Bluegrass Country Soul:

Mai 19, 2010

Daniel Guérin, ja und nein

Vermutlich waren die Maspero-Bände der Anthologie Ni Dieu, ni maître von Daniel Guérin mit die ersten anarchistischen Bücher, die ich überhaupt gelesen habe; ihnen verdanke ich erste Eindrücke der Schriften Stirners, Proudhons, Bakunins, usw. usf. Auch die kritischen Studien über Proudhon Proudhon, oui et non sind mit in meine eigenen Auseinandersetzungen mit den "dunkleren" Seiten des "Vaters der Anarchie" mit eingeflossen. Nichtsdestotrotz muss ich heute sagen, dass mir Guérins Variante des Anarchismus recht fremd geworden ist. Letztlich blieb Guérin bei seinem Werdegang durch verschiedene linke Gruppierungen bis hin zum organisierten Anarchismus immer ein "engagierter Intellektueller", eigentlich ein linker Politiker, der 1981 sogar einen Wahlaufruf für Mitterand unterstützte. Für den Post-68er Neoanarchismus/Anarchokommunismus, der sich selbst explizit als Teil der politischen Linken verstand, war die bei Guérin vorzufindende Mischung aus romantisierender anarchistischer Heldengeschichte, durch die trotzkistische Brille gelesenen Marx, Arbeiterselbstverwaltung à la PSU und betontem "Antiimperalismus" aber natürlich ein gefundenes Fressen. Da gerade letztere Tendenz häufig zu einer naiven Solidarisierung mit nationalen "Befreiung"sbewegungen und ähnlichen autoritären Organisationen führte, heute anlässlich des 106. Geburtstags Guérins kein Text des Historikers des Anarchismus, sondern eine Kritik seitens der Situationisten, ausnahmsweise einmal in deutscher Übersetzung:

"Das Algerien des libertären Daniel Guérin

Im Dezember 1965 hat Daniel Guérin eine seltsame Analyse von Boumediennes Regime in seiner Broschüre 'Algerien unter Militärherrschaft?' veröffentlicht. Für ihn ist im Juni nichts passiert. Getreu einem alten Schema sieht er sowohl vor als auch nach dem Putsch nur einen 'Bonapartismus' an der Macht, der auf klassische Art an zwei Fronten kämpft: gegen die 'Konterrevolution der eingeborenen Besitzer und gegen die drohende Begeisterung der sich selbst verwaltenden Arbeiter' Was die Außenpolitik betrifft, 'streben beide (Ben Bella und Boumedienne, d.Übers.) nach dem gleichen, geschickten Gleichgewicht zwischen kapitalistischen und sozialistischen Ländern' (S.6). 'In keiner Erklärung des angeblichen 'Revolutionsrates' kommt irgendeine Neuerung zum Vorschein, wird ein neuartiges Programm entworfen'(S.10). Als er am 5.November den Haupttext verfasst hatte, glaubte Guérin doch einige neue, aber nur potentielle Anhaltspunkte erkennen zu können - da die Putschisten wider Willen 'nach rechts' verleitet werden -, die “eine anti-sozialistische Politik anzukündigen scheinen” (S.11, von uns hervorgehoben). Glaubt man etwa, dass Guérin die beträchtlichen Unterschiede zwischen beiden Regimes vernachlässigt, weil er durch die gleiche Verachtung dazu geführt wird, die ein Revolutionär und erklärter Befürworter eines 'libertären Sozialismus' und der Selbstverwaltung für Ben Bella und Boumedienne empfinden kann? Keineswegs! Er empfiehlt keine andere revolutionäre Lösung für die Zukunft als Ben Bellas Restauration: 'Das algerische Volk heute ohne Bezug auf Ben Bella oder durch eine globale politische Kritik des Benbellismus zur Opposition gegen das Regime der Obersten zusammenbringen zu wollen - das wäre ein aussichtsloses Unternehmen' (S.17). Und für Guérin waren die vielfachen Angriffe von Ben Bellas Regime vor dem 19.Juni gegen die Arbeiter, die Leistungen seiner Polizisten und Militärs - die tatsächlich dieselben sind wie heute - nur 'Irrtümer, Zeichen der Schwäche und der Unvollständigkeit' innerhalb einer annehmbaren Gesamtorientierung. Der König war schlecht beraten, schlecht informiert - nur nie verantwortlich. Da Guérin die offenen Kämpfe der benbellistischen Macht gegen die Massen nicht ignorieren kann (er liefert selbst ausgezeichnete Dokumente über sie u.a. über den Kongress der Landarbeiter), muss er die Geschichte neuschreiben, indem er Ben Bella vollständig von seinem eigenen Regime trennt. So S. 12: 'Die Sabotage der Selbstverwaltung, die gewiss ohne Ben Bellas Vorwissen organisiert wurde', S.2: 'Praktisch - das sieht man heute besser - hatte Ben Bella nie freie Hand; beinahe drei Jahre lang ist er Boumediennes Werkzeug, Gefangener und Geisel gewesen'. Kurz - man glaubte, Ben Bella sei an der Macht, sein Sturz zeigte aber, dass es nicht stimmte. Diese erstaunliche rückwirkende Beweisführung ließe sich genauso gut auf den Zar anwenden, den man sich vor 1917 als Alleinherrscher vorstellte. Aber der von Guérin behandelte Fall übersieht auch folgende Frage: wer, wenn nicht Ben Bella, hatte Boumedienne hervorgebracht, und zwar dadurch, dass er selbst durch Boumediennes Waffen zur Macht gelangte? Dass Ben Bella dann Lust bekam, sein Werkzeug loszuwerden und dass er bei diesem Spiel besonders ungeschickt gewesen ist, ist eine andere Sache. Gerade deshalb, weil er vor allem ein Bürokrat war, war er mit rationelleren Bürokraten zunächst solidarisch, bis er ihnen schließlich zum Opfer fiel.

Durch welches Geheimnis lässt sich die Verwirrung eines unserer berühmten Linksintellektuellen erklären und sogar eines der im Prinzip ‘libertärsten’ von ihnen? Durch denselben entscheidenden Einfluss ihrer gemeinsamen Praxis der mondänen Beziehungen, mit deren erbärmlicher Eitelkeit; durch die noch unter dem Lakaiengeist stehende Neigung, den Kopf vor lauter Freude zu verlieren, wenn sie mit den Großen dieser Welt gesprochen haben; durch dieselbe Schwachsinnigkeit endlich, die sie diese Größe unter die verteilen lässt, mit denen sie gesprochen haben. Ob sie die Selbstverwaltung der Massen oder eine Polizeibürokratie befürworten, die 'Linksintellektuellen' der Periode, die wir jetzt verlassen, erfahren immer wieder dieselbe bewundernde Verblendung gegenüber der Macht, der Regierung. Genau in dem Maße, wie sie einer Regierungsrolle nahestehen, faszinieren die Führer der 'unterentwickelten' Länder ihre lächerlichen Professoren der gauchistischen Museumskunde. In den für die grundsätzliche Niedertracht einer ganzen Intellektuellengeneration so aufschlussreichen Memoiren von Simone de Beauvoir genügt die Beschreibung eines Diners bei der russischen Botschaft, um das unbefangene Geständnis einer Kleinlichkeit zur Schau zu stellen, die zu unheilbar ist, um ahnen zu können, dass man über sie lachen wird.

Das Geheimnis ist: Guérin 'kannte' Ben Bella. Er fand ab und zu 'Gehör' bei ihm: 'Als es mir für meinen bescheidenen Anteil Anfang Dezember 1963 gelang, eine kurze Audienz in der Villa Joly zu bekommen, um dem Präsidenten einen Bericht einzureichen, der das Ergebnis von einmonatigen Wanderungen und Beobachtungen im Land und in den selbstverwalteten Betrieben darstellte, hatte ich den Eindruck, einem verstockten Menschen gegenüberzustehen, der von Ali Mahsas und dem Industrie- und Handelsminister Bachir Boumaza mehr oder weniger gegen meine Schlussfolgerungen beeinflusst worden war'. (S.7)

Guérin ist wirklich für die Selbstverwaltung - aber wie Mohammed Harbi begegnet er ihr, erkennt sie und hilft ihr mit seiner Weisheit lieber in der einen Form ihres in einem bevorzugten Helden verkörperten Geistes. Daniel Guérin ist der Weltgeist der Selbstverwaltung bei einer Tasse Kaffee begegnet - daraus folgt alles übrige."

(aus Internationale Situationniste 10, März 1966).

Mai 17, 2010

Heiliger Turmspringer, Batman!



Rest in peace, Ronnie James.

Mai 15, 2010

Direct Edge, anno 1968

Passend zum Post von gestern:
(gefunden bei Retrospace)

Disco Cosmopolis (15 und Schluss): Klassenkampf in Bollywood

Zum Abschluss wieder Indien, genauer gesagt das als Antwort auf Saturday Night Fever und ähnliche Filme konzipierte Bollywood-Drama Disco Dancer von 1982. In der recht klassenkämpferischen Tellerwäscher-zum-Millionär-Geschichte wird die Entwicklung eines Straßenmusikanten zum gefeierten Discotänzer und -Sänger geschildert, die zugleich auch die Geschichte der Rache des besagten Musikanten an einem korrupten Oligarchen ist, der die Mutter des jungen Musikanten geschlagen und ins Gefängnis stecken lassen hatte. Im Verlauf des Films ruiniert unser Held nicht nur die Karriere des Sohns des Oligarchen, der aufgrund seines Versagens als Discotänzer und des damit verbundenen sozialen Abstiegs heroinsüchtig wird, sondern kriegt auch noch die hübsche Tochter des Oligarchen rum. Schliesslich kommt der Oligarch am Ende nach einem Kung-Fu-Kampf durch Elektrokution ums Leben (genauso war bei einem Attentat zwischenzeitlich die Mutter des Helden getötet worden, was zur Folge hatte, dass der Held eine Phobie vor elektrischen Gitarren entwickelte).

Zwei Songs aus diesem mittlerweile zum Kultfilm verklärten Machwerk: 
Kishore Kumar - Ae Oh Aa Zara Mudke


Parvati Khan - Jimmy Aaja



Besonders erfolgreich war der Film übrigens in der Sowjetunion, wie man einem rezenten Buch von Sudha Rajagopalan entnehmen kann: Leave Disco Dancer alone. Indian Cinema and Soviet movie-going after Stalin (Infos).

Mai 14, 2010

Die Marginalisierung der Börse

In der Februar-Ausgabe des Monde Diplomatique hat der in linken und weniger linken Kreisen populäre Ökonom Frédéric Lordon den genialen Einfall verkündet, man könne zukünftigen Krisen des Kapitalismus vorbeugen, indem man die Börse abschaffe (jüngst schlug er des Weiteren vor, man solle statt Griechenland Deutschland aus der Euro-Zone ausschließen...). Nun lesen wir im heutigen Economist dass sich die Finanzmärkte ohnehin von dieser doch zunehmend altbacken daherkommenden Institution lösen:
"Over the past few years trading has increasingly moved to new exchanges that allow transactions to happen more rapidly and more cheaply. In 2003 the New York Stock Exchange (NYSE) handled about 80% of trading volume of its listed stocks, but by the end of 2009, that share has fallen to 25% (...). A good chunk has gone to upstart electronic-trading platforms, such as Direct Edge and BATS, which execute trade in milliseconds.
Regulations have not kept up." (Quelle).
Lordon und die Hedge-Fonds also: même combat?

P.S. Hier noch eine unterhaltsame, wenn auch wirre Lordon-Kritik.

Mai 11, 2010

Nach Berlin!

Und wenn ich zurück bin, folgt der lang erwartete Abschluss der Disco Cosmopolis-Reihe...

Mai 09, 2010

Disco Cosmopolis (14): Go West

Keine Musikrichtung war vor der Vereinnahmung durch Disco sicher, natürlich auch nicht Bluegrass, Country & Western:
Silver Blue - The Tennessee Waltz (1978)


Boots Clements - Ghost Riders In The Sky (1981)


Umgekehrt geht's natürlich auch:
Steelrider Country Band - Staying Alive (live 2006)

Mai 08, 2010

Vor 65 Jahren wurde die letzte Seite von "Mein Kampf" geschrieben


Texas Jim Robertson - The Last Page of Mein Kampf (1944)

Mai 07, 2010

Der ewige Gilad Atzmon

Gelesen in Hans Jansens Mohammed (eine Dekonstruktion der Biographie des Propheten in der Tradition der niederländischen Radikalkritik, bisweilen allerdings etwas flapsig geschrieben - vielleicht liegt's ja an der deutschen Übersetzung?):
"Ibn Ishâqs Liste der jüdischen Teilnehmer an den Debatten mit Mohammed in Medina enthält Bemerkungen, für die der heutige westliche Leser wenig Verständnis aufbringen kann und will. Es geht häufig, wenn nicht immer, um antijüdische Sprüche. (...) 'Die Juden sind eine Nation von Lügnern' und 'falsch, verlogen und bösartig'. Um dies noch glaubwürdiger zu machen, werden solche Charakterisierungen übrigens einem Juden in den Mund gelegt." (S.245; ich unterstreiche).

Ein paar Seiten weiter berichtet Jansen dann über den Beginn der Auseinandersetzungen zwischen Muslimen und Juden in Medina, also, wenn man so will, dem Ursprung des sogenannten "Nahostkonflikts":
"Ibn Hischâm zufolge wollte eine arabische Frau ein paar Kleinigkeiten auf dem Markt der Qainuqâ' [einer der drei jüdischen Clans in Medina, die Mohammed der muslimischen Überlieferung nach einer nach dem anderen entweder ausrottet oder vertreibt] verkaufen. Nachdem ihr das gelungen war, hatte sie einen Goldschmied aufgesucht und sich dort niedergelassen. Ihr Gesicht war von einem Schleier bedeckt, und als man sie aufforderte, diesen abzunehmen, weigerte sie sich. Dem Goldschmied gelang es unbemerkt, einen Zipfel ihres Rocks zu ergreifen und ihn an den Rücken zu befestigen. Beim Aufstehen wurde mehr von ihr sichtbar, als sie von sich hatte zeigen wollen, und es gab ein großes Gelächter. Sie schrie auf, worauf ein Muslim den Goldschmied angriff und tötete. Da dieser ein Jude war, griffen nun ihrerseits seine Glaubensbrüder den Muslim an (dessen Name nicht überliefert wird) und bringen ihn um. Daraufhin riefen die Verwandten des Ermordeten andere Muslime zu Hilfe. Sie waren außer sich vor Wut, und die Beziehungen zwischen den Vertretern der beiden Glaubensrichtungen konnten nicht mehr schlechter werden." (S.276-277).

Mai 03, 2010

124 Jahre Ixigrec

Anlässlich des heutigen Geburtstags Robert Collinos, besser bekannt unter dem Pseudonym Ixigrec (XY), Raumausstatter von Beruf, Maler, gelegentlicher Science-Fiction-Autor und radikaler Individualist, sei ein Rekurs auf grundsätzliche philosophische Fragen erlaubt. In folgendem Artikel aus Sébastien Faures Encyclopédie Anarchiste (1934) beschäftigt sich Collino mit der Frage: Was wissen wir eigentlich vom Wissen?

SAVOIR

Lorsqu'on essaie de préciser la nature intime du savoir et celle de son mécanisme, on éprouve une très grande difficulté par le fait évident que l'on se sert du savoir lui-même pour cette fin et qu'il est, ainsi, peu aisé de saisir les premiers éléments conscients, bases de toute connaissance. C'est alors que se précisent ces questions ardues : l'homme qui sait, que sait-il exactement ? Qu'est-ce que la connaissance, qu'est-ce que la réalité ? Que saisissons-nous de l'existence des choses ? Qu'est-ce que la conscience ? Comment se fait-il que nous sentons que la réalité est autre chose qu'une spéculation de l'esprit ; que nous distinguons la différence absolue entre le moi et le non moi, entre le souvenir et le fait actuel, entre le passé et le présent, entre l'inconscient et le conscient ?

Le fait que la conscience ne sait rien d'elle-même nous démontre tout d'abord que cette conscience ne peut être la cause réelle de la connaissance, mais plutôt qu'elle n'en est que l'effet puisqu'elle apparaît ou disparaît selon des circonstances particulières. C'est donc seulement par l'analyse de quelques faits psychiques que nous saisirons le mécanisme délicat et complexe de la connaissance et de la conscience.

Prenons le cas le plus clair d'un état conscient : la vue d'un livre. Ce fait paraît absolument inanalysable au premier abord. Je sais que je vois un livre. Et c'est tout. J'en ai une conscience nette, inattaquable. Mais qui est-ce ce « je » ? Si j'essaie de penser à ce même fait, mais en supprimant mentalement le « je », j'éprouve déjà une première difficulté et je m'aperçois que mon état conscient est moins net. Si j'essaie de réaliser la même pensée, mais en supprimant tout langage, toute phrase se rapportant à cet acte visuel, alors cette pensée se résout insensiblement à une simple sensation. Le fait conscient s'atténue ainsi graduellement. Mais ce n'est pas tout ; la sensation elle-même peut perdre sa signification consciente et se réduire à une totale incompréhension. Lorsque nous voyons un objet connu, avant toute pensée nous le reconnaissons et nos réflexions peuvent ensuite s'exercer sur son usage. Si l'objet est totalement inconnu le fait conscient s'arrête aussitôt et se limite à la simple sensation, visuelle ou autre. Mais si la sensation elle-même est absolument nouvelle, alors le fait conscient disparaît pour faire place à un état d'inconscience, sans repère dans l'espace et dans le temps.

Ces cas paraissent extraordinaires, mais on connaît quelques cas d'aveugles de naissance qui, ayant acquis ultérieurement l'usage de la vue, n'ont absolument rien compris à ce qu'ils « voyaient ». Encore avaient-ils d'autres éléments pour coordonner leurs sensations et leurs pensées. Que serait l'état d'un être privé de toutes sensations, n'ayant aucun souvenir sensoriel ?

Si donc la conscience est fonction de l'importance des documents sensoriels, nous sommes amenés à penser qu'elle est nulle chez le nouveau-né. Mais alors, dira-t-on, d'où vient elle et qu'est-elle réellement ?

Nous répondrons : elle est le résultat des réactions de notre sensibilité contre le milieu ; elle n'apparaît qu'avec la complexité de ces réactions. C'est donc la nature de celles-ci qui nous indiquera ce qu'est réellement la conscience. Remarquons que nous délaissons momentanément l'idée de savoir si la connaissance est la représentation exacte des objets dans l'espace et dans le temps. Nous nous contenterons de considérer la connaissance comme une réaction de notre sensibilité contre le milieu.

Ces réactions nous sont particulièrement connues sous la forme de réflexes se produisant dans les divers étages du système nerveux et déterminant soit un acte moteur, soit un fonctionnement organique interne, soit enfin une simple dispersion de l'influx nerveux sans conséquence motrice ou organique immédiate.

L'observation de l'enfance nous démontre le caractère automatique des premiers réflexes, liés aux seules fonctions organiques. L'enfant saisit et suce n'importe quoi. Mais les sensations se précisent, se coordonnent assez vite ; les réflexes conditionnels enrichissent et compliquent le fonctionnement nerveux de telle sorte que la vie organique se trouve alors étroitement liée aux diverses variations du milieu. C'est ici que commence la connaissance réelle, non pas une connaissance formée de la pénétration de tous les secrets du monde environnant, mais une connaissance faite de la relation de divers états de l'organisme avec les influences du milieu. C'est ainsi que l'eau sera perçue et connue tout d'abord comme une chose agréable ou désagréable ; il en sera de même pour tout ; pour les aliments, les bruits, les odeurs, les sons ; pour la pluie, le vent, la chaleur, le froid, etc.... A chaque réflexe organique s'adjoindront quelques réflexes conditionnels, formés eux-mêmes, pour la plupart, par l'influence directe du milieu sur la sensibilité de l'enfant.

Nous voyons donc qu'ici la connaissance n'est qu'une incessante relation d'influence entre le milieu et l'enfant. Si toute l'énergie déclenchée par la réaction nerveuse du sujet était utilisée dans cette réaction, il ne resterait pas grand chose pour le souvenir et la pensée. Mais il est rare qu'il en soit ainsi. Une partie de l'influx nerveux se disperse dans les zones supérieures du système nerveux, laissant des traces, des liaisons, des constructions, lesquelles influeront ultérieurement sur les actes moteurs de l'organisme entier. Ce qu'il importe surtout de démontrer, c'est que la connaissance initiale n'est qu'une réponse de l'être au milieu, une adaptation de son organisme et non, comme veulent le faire croire les spiritualistes, une divination de l'état nouménal des choses. L'être agit comme un automate prodigieux sous la double action des phénomènes objectifs et des phénomènes organiques. Toute action, toute pensée, toute méditation est une réponse automatique aux variations du milieu et non pas un fait de conscience pure, devinant les secrets de la chose en soi. Il suffit de suivre une pensée pour saisir l'absence de conscience pure, pour s'apercevoir que ce n'est qu'un prodigieux mécanisme de réflexes se traduisant par du mouvement. L'homme reçoit, transforme et transmet du mouvement.

Prenons par exemple le spectacle d'une rue. J'ai conscience de tout ce que j'y vois et entends, mais cet état conscient total, je puis le diviser en un très grand nombre de faits sensoriels créés antérieurement par le mouvement et décomposable en dernière analyse, soit en mouvements musculaires, soit en modifications organiques diverses. Et ces états de conscience de sensations internes, je puis encore les dissocier jusqu'au simple réflexe automatique sans conscience.

Nous savons également, par l'observation des cas pathologiques, par l'étrangeté des sommeils et des rêves, par les oublis, par la perte graduelle de la conscience dans l'habitude ; enfin par la certitude que nous avons que tout notre savoir gît inconsciemment en nous et ne se révèle qu'au fur et à mesure de l'action présente, que le « moi» indivisible n'existe pas et que cette impression d'unité vient précisément de ce que la conscience n'étant que le heurt de notre sensibilité avec le milieu dans le présent, nous ne pouvons vivre et être que dans une seule situation, un seul état à la fois. Nous sommes « un » dans l'espace, mais non dans le temps puisque nous changeons et vieillissons.
Pouvons-nous alors préciser ce qu'est la réalité, ce qu'est le présent, le passé, l'identique, le dissemblable ? Y a-t-il une vérité sur l'existence des choses ? Pouvons-nous démontrer des erreurs ?

En prenant comme base de la connaissance les réflexes, nous voyons qu'il s'établit nécessairement une relation entre l'être et le milieu, et cette relation, dans sa forme la plus simple, est une vérité. Mais les associations de réflexes ne sont pas toujours des vérités et les réflexes conditionnels peuvent orienter l'être vers des faits inexistants ou dangereux. C'est le cas pour le chien électrisé pendant ou avant le repas et qui, réagissant tout d'abord douloureusement sous l'influence du courant, finit par éprouver du plaisir, parce que l'excitation anormale est liée au repas. On pourrait aller ainsi jusqu'au suicide. Ce qui est d'ailleurs le cas pour les ivrognes, les morphinomanes, etc...

Nous pouvons considérer le patriotisme, le nationalisme, la religiosité et les mysticismes divers comme des réflexes conditionnels nuisibles et dangereux, conduisant à des faits inexistants ou désavantageux.

Ceci nous amène à rechercher ce qu'est la réalité et comment nous la différencions du souvenir et de l'imagination.

La réalité est essentiellement sensuelle, consciente et par conséquent uniquement applicable au présent. Le mécanisme cérébral qui la différencie du souvenir peut se comprendre ainsi : dans le présent l'être est soumis à une multitude de sensations, d'excitations créant des réflexes qui l'adaptent étroitement au monde extérieur et qu'il ne peut supprimer d'aucune façon (sauf dans le dérangement cérébral). Dans le souvenir il se présente deux cas : ou le souvenir est pur, simple, dégagé de toute relation (homme, maison, chaise, etc....) et par son abstraction même il se situe immédiatement comme un souvenir pur ; ou bien il est lié à un ensemble de réflexes complexes reproduisant des parties de la vie passée. En ce cas, les divers éléments le composant ne correspondent point aux éléments présents perçus par les sens. D'où différenciation immédiate aidée par l'inégalité d'intensité nerveuse entre le souvenir et le fait présent. Autrement dit, les faits présents sont plus intenses que les faits passés. Remarquons qu'en réalité il n'y a pas de passé, car le fait d'être ne se conçoit que d'une seule façon : au présent. Si donc il existe en nous quelque chose, ce quelque chose est toujours dans le présent. Seulement ce quelque chose est comme un livre fermé ne s'ouvrant que sous les nécessités vitales du présent.

Toute la connaissance humaine étant réduite à des associations hasardeuses de sensations et à des liaisons nerveuses dénommées pensées et imagination pouvons-nous accorder une valeur réelle à cette connaissance et que vaut-elle exactement !

Examinons le cas de la théorie atomistique. Ici, il semble, au premier abord, que la pensée a dépassé le cadre du subjectif pour pénétrer le secret de l'objectif. Pourtant il n'en est rien. Pour que les idées de mouvement, de masse, de rayonnement, d'ondes, de rotations, etc., aient un sens, il est nécessaire qu'un minimum de sensations fixent le point de départ des raisonnements ; sinon, la chose dont on s'occuperait aurait aussi peu de réalité que l'âme des spiritualistes. Et les raisonnements eux-mêmes ne représenteront que des possibilités d'actions de la substance, actions connues antérieurement par des expériences et constituant la base essentielle mais sensorielle de la science. Et lorsqu'une théorie sera imaginée, c'est encore par l'intermédiaire des sens que s'en effectuera la vérification. Nous voyons que la certitude est toujours d'origine expérimentale et que l'expérience s'effectuant nécessairement au présent constitue par la force des choses la seule réalité.
Mais avons-nous pénétré les secrets de la substance et du mouvement ? Pas le moins du monde !

Nous ignorons totalement ce qu'est la substance en elle-même et le mouvement en soi. Nous n'avons saisi que des modalités d'un monde microscopique, mais toujours sensoriel. Nous n'avons saisi que des relations.
 Mais cela n'empêche que ces relations soient exactes et que notre représentation du fonctionnement des choses soit conforme à la réalité. Connaître la vérité c'est donc connaître une succession de réalités perçues dans l'espace et dans le temps. La vérité est une sorte de collection illimitée de faits présents. Enseigner une ou des vérités, c'est affirmer qu'une succession de faits à venir répèteront identiquement des réalités passées.

Il est pourtant des vérités, objectera-t-on, que l'expérience ne peut aucunement vérifier et qui ont cependant un caractère de certitude absolue. Par exemple la certitude de notre propre mort. Nous pouvons répondre que précisément cette vérité est une des plus riches collections de réalités que l'homme ait jamais expérimentées. Car nul n'a jamais connu d'homme immortel. La répétition à travers les siècles des mêmes phénomènes, sans aucune exception, crée en nous le caractère de la certitude absolue, sans qu'il soit nécessaire pour cela d'épuiser tous les cas, parce que précisément tous les cas possibles n'ont aucune chance d'échapper à la règle commune.

C'est donc l'identité des cas, des faits, des circonstances qui, par leur répétition, crée en nous la connaissance applicable aux faits à venir.

On peut encore ajouter qu'une vérité peut être déduite du passé, sans ressembler à ce passé et annoncer une réalité nouvelle. Cela est certain. L'imagination peut construire des concepts semblables aux modifications ultérieures et plus ou moins rapides du milieu ? C'est là une des plus remarquables caractéristiques de l'intelligence et spécialement du génie. C'est aussi la forme la plus intéressante du savoir, car la connaissance, qui ne s'applique qu'à des répétitions de faits identiques, ne constitue qu'une faible partie de l'activité intellectuelle des êtres pensants. Mais le monde étant en perpétuel changement, l'être ne se trouve jamais devant des situations absolument identiques. Il lui faut donc improviser des adaptations, inventer, prévoir le futur, jouer l'avenir pour ainsi dire et se préparer aux faits éventuels.

Dans mon étude sur la raison, j'ai décrit le mécanisme subtil de l'invention, produit des liaisons nerveuses, créées sous l'influence des centres affectifs. Nous savons que les émotions violentes sont anti-intellectuelles par le fait connu que l'influx nerveux libéré en excès, s'écoule violemment vers les mécanismes moteurs les plus faciles, déclenchant par les voies réflexes les plus anciennes et les plus immédiates des mouvements plus ou moins adaptés aux événements. La pensée est, au contraire, le produit d'un lent cheminement de l'influx nerveux se dispersant dans des voies multiples dont aucune n'est assez importante pour déclencher l'acte moteur.

Des réseaux peuvent alors fusionner, créant des liaisons nouvelles dont l'effet objectif se traduira par une modification plus ou moins avantageuse de l'être vis-à-vis des faits nouveaux.

C'est ainsi que la vengeance, acte émotif par excellence, peut faire place, chez l'homme de raison, à la compréhension de l'inutilité totale de cet acte, puisque sans effet rétrospectif sur les faits passés ; tandis qu'il trouvera peut-être les moyens efficaces pour modifier, à l'avenir, les causes créant la malfaisance d'autrui.

L'invention et l'imagination sont donc bien parmi les éléments essentiels du vrai savoir. Mais au cours des siècles, les hommes ont ainsi annoncé des milliers de vérités ; les prophètes, les devins, les messies de toutes les croyances ou de tous les partis, tout comme les vulgaires tireuses de cartes, ont proclamé des vérités plus ou moins pharamineuses. Seule l'impitoyable réalité, l'expérience, a réduit à néant ces affirmations erronées.

Cette manière d'envisager la connaissance n'est nullement pessimiste. Elle sépare le savoir véritable du faux savoir. Elle nous fait voir que le monde est en perpétuel mouvement ; que tout évolue et se transforme ; et que, parmi ces mouvements, il en est dont le rythme et la répétition se prêtent à la prévision. Ce qui constitue le savoir. Il en est d'autres dont les irrégularités s'opposent à toute classification définitive.
L'astronomie, la physique, la chimie, se prêtent en partie à nos prévisions et nous permettent d'établir des vérités.
La météorologie, la biologie, la psychologie, la sociologie s'y prêtent beaucoup moins bien, quoique la psychologie, purement objective et physiologique (méthode de Pavlov), ait fait d'énormes progrès.
C'est par la collaboration de tous les efforts humains, par la coordination de toutes les réalités et de toutes les vérités que le savoir se fondera progressivement, hors des inventions et des révélations des sorciers laïques et religieux.

Une dernière question se pose. Nous avons dit que le savoir était fait de répétitions, d'identités, d'invariabilités. Or, le monde étant en perpétuelle transformation, quelle peut être la valeur exacte de notre savoir vis-à-vis des lois naturelles ? Ne dit-on pas excellemment qu'il n'y a de science que du général. Quelles peuvent être les généralités permanentes dans un monde mouvant ?

Nous pouvons considérer l'univers comme une horloge colossale dont tous les rouages seraient étroitement solidaires les uns des autres. Si cette horloge possédait des cadrans et des aiguilles marquant depuis les millièmes de seconde jusqu'à des durées dépassant des milliards de siècles, nous considérerions les diverses rotations d'aiguilles comme autant de variations évidentes. Pourtant, certaines aiguilles nous paraîtraient absolument immobiles, quelle que soit la durée de nos observations. Nous appellerions alors vérités ces immobilités apparentes, bien que soumises à une lente évolution.

Il en est probablement ainsi des lois naturelles. Elles nous paraissent fixes actuellement et notre courte durée, adaptée à cette stabilité relative de notre univers, établit des lois et invente une certaine harmonie qui n'est, en fait, qu'un lent désordre qui dure indéfiniment plus que notre humanité, mais n'est, au regard de l'infinité du temps, qu'un éclair fugitif dans la profondeur de l'éternité.

En résumé, nous pouvons préciser les points suivants :
- La connaissance n'étant qu'une modification atomique de notre substance nerveuse par la substance objective dont elle ne diffère pas essentiellement, il s'ensuit que notre substance ne sachant rien d'elle-même ne peut pas savoir davantage quelque chose de l'autre. La substance ne sait rien d'elle-même.
- La conscience n'est donc pas à la base du savoir ; elle est un effet, une conséquence du heurt de notre sensibilité avec les phénomènes objectifs. La sensibilité est antérieure à la conscience.
- Nous appelons présent le moment précis de ce heurt et réalité l'ensemble des perceptions subies à ce moment-là.
- Tous les souvenirs sont dans l'espace, donc présents, mais inutilisés et inconscients.
- Le fait actuel se différencie du fait passé par la qualité et la quantité des éléments sensoriels associés soit au fait passé, soit au fait présent et surtout par la plus grande intensité des perceptions présentes.
- Le savoir ne nous fait pas connaître l'essence des choses, mais le rapport de notre sensibilité avec le milieu.
- Le savoir véritable est donc une adaptation de notre être aux influences du milieu. Savoir, c'est agir en s'adaptant aux réalités.
- L'erreur est une mauvaise association de réflexes conditionnels créant des concepts différents de la réalité. Elle est toujours démontrable dans le domaine expérimental.
- La vérité est l'ensemble des réalités dont est formé un concept. Ne peuvent prendre le nom de vérité que les concepts soumis au contrôle de l'expérience.
- Il n'y a pas de vérité a priori. Toute connaissance est essentiellement acquise sensoriellement.
- Il y a trois degrés dans la connaissance : les réalités strictement personnelles ; les réalités générales ; les concepts généraux.
- L'accord des humains ne peut s'effectuer que sur les réalités générales ou sur les concepts généraux appuyés par des démonstrations expérimentales. La connaissance réelle est impersonnelle. Elle tend à l'universel. C'est-à-dire à l'élaboration de vérités spécifiques et non individuelles.
- La principale cause de division entre les hommes consiste dans le fait de donner comme vérité, ou comme un fait général et impersonnel, ce qui n'est qu'un fait particulier ou indémontrable expérimentalement.
- La méthode scientifique est la seule méthode pour former la connaissance réelle et le savoir. Elle utilise les réalités générales et crée des concepts généraux susceptibles de s'adapter aux variations du milieu. Mais toute utilisation de ces concepts ne peut s'effectuer sans un coefficient personnel d'appréciation qui ôte précisément à cette adaptation tout le caractère rigoureux de causalité ou de convenance infaillible de cause à effet.
- Il y a donc la méthode scientifique et il y a les hommes l'utilisant. Il est nécessaire de se servir de la méthode. Il est prudent de se méfier des hommes et de leurs affirmations.
- Le savoir peut être considéré comme un moyen ou comme un but. Les techniciens en font un moyen. Les savants et les philosophes en font un but. L'homme de raison doit être harmonieux ; c'est-à-dire : technicien, savant et philosophe.

IXIGREC.